Évidemment, quelqu’un t’attend

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Cinq ans aujourd’hui. C’est la première chose à laquelle Charlotte avait pensé en ouvrant les yeux. Cinq ans déjà. Cinq ans, c’est long et c’est court à la fois. C’était il y a un siècle et c’était hier. Tout est question de perspective. 

Cinq ans plus tôt, elle enfilait sa robe blanche en compagnie de sa mère et de Julie, sa meilleure amie, les mains un peu tremblantes. Elle avait du mal à respirer et sa mère avait ouvert la fenêtre. Le cri des mouettes, le frôlement régulier des vagues sur le sable mouillé et la brise iodée l’avaient immédiatement apaisée. Après la cérémonie, ils iraient faire des photos sur la plage, juste derrière le rocher du Corsaire, là où les herbes sèches ploient sous le vent. La lumière y était si belle en fin d’après-midi, ce serait magnifique. Elle n’avait pas voulu d’une robe longue, juste pour le plaisir de se faire photographier les pieds dans l’eau. Ils avaient réservé le Comptoir du Fort, le restaurant sur le port, pour les festivités. Cinq ans déjà. Cinq ans que Jean-Christophe avait demandé à lui parler quelques heures avant les événements et que sa mère avait refusé : ça porte malheur. Cinq ans qu’elle avait attendu sur les marches de la mairie de Bouville-sur-Mer, le bouquet serré dans ses mains moites, que la Clio de son fiancé, parée de tulle pour l’occasion, apparaisse au bout de la rue, tout en offrant aux invités un sourire de plus en plus crispé. Cinq ans qu’elle s’était fait planter, comme un bulbe de tulipe, par ce crétin de Jean-Christophe. Cinq ans qu’elle essayait sans succès de se convaincre que Jean-Christophe était un crétin. Cinq ans qu’elle comptait le temps qui passe en « années après J.-C. ». 

Ce n’était pas sa faute, il s’était emballé. J’ai bien réfléchi, je crois que je me suis emballé. Tout ce qu’elle avait retenu, c’était le « je crois ». Sur ce « je crois » et la part d’incertitude qu’il renfermait, elle avait bâti des châteaux de cartes en Espagne. À cause de ce « je crois », elle ne l’avait pas cru, elle avait espéré qu’il change d’avis ou plutôt qu’il décide de ne plus changer d’avis, bref, qu’il se remballe. Et c’était arrivé. Jean-Christophe, tel un smartphone de seconde main reconditionné, s’était remballé. Pour Sonia. Sonia était coiffeuse et aimait la poésie. Elle avait d’ailleurs rebaptisé le salon de coiffure de ses parents « Beau de l’hair », plus chic et plus international que « Créa’tif ». Sonia, Jean-Christophe ne l’avait pas abandonnée devant la mairie. Ils s’étaient bien mariés, puis ils avaient fait des photos sur la plage, juste derrière le rocher du Corsaire. Elles étaient si réussies que le photographe de Bouville-sur-Mer les avait affichées en grand dans sa vitrine comme preuve de son savoir-faire, ce qui donnait à Charlotte tout le loisir de les admirer chaque matin quand elle partait au travail. Et sur certaines d’entre elles, Sonia avait les pieds dans l’eau.

Maintenant, tous les 21 juin, Charlotte faisait un pèlerinage : en sortant du travail, elle allait, seule, à la mairie, puis au rocher du Corsaire et au Comptoir du Fort. Ensuite, elle fumait une cigarette devant la vitrine du photographe, en écoutant la playlist qu’elle avait composée avec Jean-Christophe pour la soirée. 

Elle ne fumait qu’une cigarette par an, le 21 juin. C’était une tradition avec elle-même. Le rappel que c’était arrivé, parce que cinq ans plus tôt, son amie Julie, désemparée face à son chagrin, lui avait tendu une cigarette en disant : 

– Viens, on va fumer, ça va aller. 

Et un bref instant, Charlotte l’avait crue et elle s’était sentie mieux. 

Depuis, Julie avait tenté de la convaincre de s’inscrire sur des sites de rencontre, mais Charlotte avait toujours refusé. En amour, elle ne croyait qu’au destin, au hasard, à la vie, la vraie, celle qui ne se passe pas derrière un écran. En amour, elle ne croyait qu’en J.-C.

Elle but son café et se rendit à la maison de retraite des Embruns. Elle enfila sa blouse, laissa son sac à main dans son casier, et ne garda que le paquet de cigarettes et le briquet achetés la veille. Distribuer les plateaux-repas et le courrier, faire la toilette des résidents, prendre la tension et des nouvelles, tendre des gobelets en plastique remplis de pilules, parler de la météo, sourire et poser des mains apaisantes sur les fronts, sur les bras tachés de vieillesse, sur les épaules voûtées… Ici, elle savait à quoi elle servait, les choses avaient un sens. 

C’était le premier jour de l’été et il pleuvait sans discontinuer. Elle préférait qu’il pleuve. Il y a cinq ans, il faisait beau. Et puis, le pèlerinage avait quelque chose de plus tragique sous la pluie. Elle espérait juste qu’elle arriverait à allumer sa cigarette. Le mardi et le jeudi, elle animait le Club de lecture. Cela ne figurait pas dans son contrat de travail, elle s’était présentée comme bénévole. Parce qu’elle aimait les livres et les gens, animer un Club de lecture dans une maison de retraite lui allait comme un gant. Comme toujours, M. Follet et Mme Kostopoulos étaient assis au premier rang, côte à côte. Souvent, ils étaient les seuls participants – en tout cas, sans aucun doute les plus assidus. Il faut préciser que lui était un ancien professeur de français et qu’elle s’occupait du CDI dans le collège-lycée Victor-Hugo où Charlotte, tout comme l’intégralité des enfants de Bouville-sur-Mer, avait fait ses études secondaires. Parce qu’ils étaient tous les deux veufs, Charlotte les avait imaginés un instant tombant éperdument amoureux et finissant leurs jours ensemble, leurs mains tachetées aux veines proéminentes entrelacées pendant les parties de bingo. Elle avait tenté d’organiser des tête-à-tête, de leur parler de leur passion commune pour les livres… Elle avait été discrète et subtile, mais malheureusement, ses plans matrimoniaux étaient tombés à l’eau le jour où ils lui avaient dit de concert qu’il fallait qu’elle « arrête de faire le Tinder ». 

À chaque fois qu’un roman était terminé, ils se disputaient âprement pour choisir le suivant. M. Follet aimait les romans d’amour et Mme Kostopoulos les thrillers sanglants, de préférence suédois et se terminant atrocement mal. Les autres pensionnaires ne s’en mêlaient pas.

– Pas de gâteau aujourd’hui ? demanda M. Follet, déçu. 

– Même pas un petit quatre-quarts au citron ? renchérit Mme Kostopoulos. 

– Désolée, je n’ai pas eu le temps, murmura Charlotte en s’asseyant, son livre à la main.

Souvent, Charlotte apportait un gâteau fait maison qui changeait les pensionnaires de leur nourriture industrielle réchauffée au micro-ondes. Mais aujourd’hui, avec cet anniversaire, elle avait complètement oublié. 

– J’ai lu un article dans le journal, déclara M. Follet, sur un fromager grec qui vient d’ouvrir à Boulogne, tu devrais y aller, Charlotte, il a très bonne réputation. 

– J’ai mon fromager à Bouville, répondit Charlotte avec un sourire. 

– Ah, c’est bien dommage, soupira Mme Kostopoulos, ils expliquaient justement dans le reportage qu’il vendait un excellent Kefalograviera… 

– Un excellent quoi ?

– Kefalograviera, c’est un mélange de fromages grecs absolument exquis, il le fait venir directement de Grèce… 

– Ah, d’accord. 

En temps normal, Charlotte aurait pris le temps d’écouter Mme Kostopoulos parler de ce qu’elle appelait « sa Grèce natale », et ce, bien qu’elle ne soit absolument pas née en Grèce et qu’elle ait passé toute sa vie à Bouville-sur-Mer. Un lointain ancêtre grec et un début d’Alzheimer lui avaient fait romancer un peu son passé. Mais Charlotte ne voulait pas être en retard pour son pèlerinage et il se faisait tard, elle se contenta donc d’ouvrir son livre et de commencer à lire. Au bout de deux lignes, M. Follet l’interrompit. 

– Tout de même, ça doit vous manquer, madame Kostopoulos, votre Grèce natale. 

– Oui, c’est sûr… 

– Un petit morceau de feta, ça ne vous ferait pas plaisir ? 

– Du Kefalograviera ! rétorqua celle-ci. C’est bien meilleur que la feta. Mais, c’est vrai, ça me manque, j’en aurais bien mangé un peu. D’autant plus que demain, c’est mon anniversaire. 

Charlotte leva de nouveau la tête de son livre, les sourcils légèrement froncés. L’anniversaire de Mme Kostopoulos était en décembre, elle commençait vraiment à perdre la tête. M. Follet eut un sourire mielleux. 

– Ma petite Charlotte, si vous alliez chez le fromager acheter du Kefalobidule pour l’anniversaire de Mme Kostopoulos ? 

Charlotte ouvrit la bouche. Les deux premières années, elle avait parlé du pèlerinage à Mme Kostopoulos, puis elle avait arrêté parce qu’elle avait peur qu’on la juge, qu’on ne comprenne pas pourquoi elle ne se remettait pas de son chagrin d’amour comme le font la plupart des gens après quelque temps, et surtout, qu’on lui conseille, une fois de plus, de s’inscrire sur un site de rencontre. 

– C’est-à-dire que ce soir, j’avais déjà prévu… 

– Vous aviez déjà prévu quelque chose pour mon anniversaire ! a coupé Mme Kostopoulos en applaudissant comme une enfant. 

Charlotte rougit et ne sut quoi répondre, absurdement gênée de n’avoir rien prévu pour l’anniversaire imaginaire de Mme Kostopoulos. Cette dernière joignit les mains. 

– C’est peut-être le dernier anniversaire où je peux en manger… 

– Je vais essayer de vous trouver ce fromage, finit par répondre Charlotte. 

Après tout, elle pouvait décaler ses plans d’une petite heure. Ce n’était pas comme si c’était réellement le jour de son mariage. 

Elle arriva juste avant dix-neuf heures, trempée, devant la devanture du fromager dont M. Follet avait inscrit l’adresse sur une serviette en papier. Il pleuvait des cordes. À l’adresse indiquée, il y avait bien un fromager, en revanche, il n’avait pas du tout l’air grec. Charlotte, sans se poser de question, pénétra dans la boutique. La clochette tinta et l’homme derrière le comptoir leva la tête. 

– Bonsoir, mademoiselle, j’allais fermer, annonça-t-il poliment. 

– Oh… je voulais juste un petit bout de Kefalograviera, si ça ne vous ennuie pas. 

Il hésita. Il avait de beaux yeux sombres, à la fois amusés et gentils. Des yeux qui rappelaient vaguement quelqu’un à Charlotte, mais qui ? 

— Désolé, je n’en ai pas. 

– Zut, vous n’en avez plus ? 

– À vrai dire, je n’en vends pas, le seul fromage grec que je peux vous proposer, c’est de la feta. Vous ne voulez pas du comté ? Sinon, j’ai un excellent brie à la truffe… 

Charlotte ouvrit des yeux ronds. 

– C’est grec, le brie à la truffe ?

Il éclata de rire. 

– Mais pourquoi cette obsession pour le fromage grec ? 

– Pour une fromagerie grecque, c’est bizarre de ne pas vendre de fromage grec, rétorqua-t-elle. 

Il lui jeta un regard surpris. 

– Ce n’est pas une fromagerie grecque, c’est une fromagerie tout court. 

– Alors, pourquoi avoir dit dans le reportage que vous faisiez venir le Kefalograviera de Grèce ? Ça s’appelle de la publicité mensongère ! Mme Kostopoulos va être horriblement déçue. 

Le jeune homme la dévisagea avec stupéfaction. 

– Le reportage ? 

– Oui, enfin l’article, je ne sais plus… 

Il fronça les sourcils. 

– Mademoiselle, vous êtes sûre que ça va ? Asseyez-vous une minute. 

Il contourna le comptoir et la fit asseoir sur une chaise de bois. 

– Vous ne vous êtes pas cogné la tête en venant ?

– Non, donnez-moi de la feta et un peu de brie à la truffe s’il vous plaît, ce sera mieux que rien. 

– Le brie est excellent, vous ne le regretterez pas. 

– Vous le faites venir directement de Grèce, lui aussi ? 

Le jeune fromager plissa les yeux et l’examina avec curiosité : 

– Vous êtes sûre pour la tête ? Parce que franchement, vos propos semblent un peu décousus. 

Charlotte leva les yeux au ciel. 

– Vous avez dit dans une interview que vous vendiez le meilleur Kefalograviera de France, c’était dans le journal !

– Je n’ai jamais entendu parler de cet article, vous devez confondre. 

— Oh… 

Il termina de peser et d’emballer le brie, tandis que Charlotte, en silence, se laissait envahir par une ineffable tristesse. Entre cette histoire d’article et la date d’anniversaire, elle avait vu juste : ses deux résidents préférés commençaient à perdre la tête.

Le jeune homme lui tendit le sac contenant ses achats. Il enfila ses lunettes pour vérifier le ticket de caisse et une étincelle de surprise traversa son regard quand il croisa à nouveau celui de Charlotte. 

– On se connaît, non ? 

– Je ne crois pas. 

Il aurait dû lui rappeler qu’il était en train de fermer, mais il n’en avait pas envie. Les cheveux trempés de Charlotte gouttaient sur son ciré rouge, ses yeux bruns se posaient avec un mélange de douceur et de mélancolie sur les tomes de Savoie et les camemberts. Machinalement, elle attrapa une boucle brune et l’enroula autour de son doigt et ce geste réveilla chez le jeune homme un lointain souvenir : celui d’une petite fille cherchant la solution à un problème de maths devant un tableau vert foncé et enroulant et déroulant inlassablement une mèche autour de son index. 

– Charlotte ! Charlotte Lambert !

Elle leva les yeux sur lui, surprise qu’il connaisse son nom. Il posa une main sur son torse avec un grand sourire. 

– Alexis Girard, sixième B, Victor-Hugo, j’étais DJ à toutes les soirées ! Enfin, peut-être pas en sixième, remarquez… 

Le visage de Charlotte s’éclaira.

– Alexis ! C’est fou, je me disais bien que ton visage me rappelait quelque chose !

Charlotte étudia Alexis Girard avec curiosité. Ils avaient été dans la même classe en sixième, ils étaient plutôt bons copains. Puis Charlotte avait déménagé à Lille et ils s’étaient perdus de vue. À vrai dire, elle avait même été un peu amoureuse de lui. Elle avait passé l’année suivante à regarder en rêvassant son visage flou affublé de lunettes trop grandes sur la photo de classe des sixièmes B, tout en écoutant Bryan Adams. Comme quoi, les rituels d’entretien de son cœur brisé avaient commencé très tôt. 

– J’étais même amoureux de toi, s’exclama-t-il en riant, c’est dingue ! Tu es revenue dans la région ?

Charlotte rougit. 

– Je suis revenue habiter à Bouville après mes études. Je travaille à Wimereux, à la maison de retraite, d’ailleurs M. Follet y vit, notre ancien prof de français, tu te souviens ? 

– Bien sûr, ma grand-mère y est aussi. Tu la connais peut-être ? Elle s’appelle Jacqueline Girard. 

– Oui ! Tout le monde l’appelle Jackie Kennedy, elle ne sort jamais sans son chapeau. D’ailleurs, c’est pour une de mes pensionnaires que je suis ici, elle voulait du fromage grec. 

Il sembla hésiter. 

– Si tu veux… Vu que j’allais fermer, on pourrait aller boire un verre au café en face ? 

– Tu veux dire maintenant ? Ce soir ? 

– Oui… 

Charlotte hésita, son sac de fromages à la main. 

– C’est-à-dire que j’avais déjà quelque chose de prévu.

– Oh… Oui, évidemment, quelqu’un t’attend, je ne veux pas te retarder… 

Charlotte hocha la tête, sourit et se dirigea vers la sortie. La sonnette tinta quand la porte se referma derrière elle. Elle porta la main à la poche de son manteau, à la recherche de son paquet de cigarettes. Il ne pleuvait plus, c’était le moment. Alexis Girard ! C’était drôle de tomber sur lui par hasard. À l’époque, il rêvait d’être DJ, et voilà qu’il était fromager. Il faudrait qu’elle raconte ça à Julie. Il était toujours aussi gentil en tout cas. La douceur avec laquelle il avait dit « Évidemment, quelqu’un t’attend ». Comme s’il était inimaginable qu’une fille comme elle reste toute seule un jeudi soir. Ses poches étaient vides, elle eut beau fouiller son sac à main, elle ne retrouva ni les cigarettes ni le briquet. Évidemment, quelqu’un t’attend. Enfin, personne ne l’attendait. Rien d’autre qu’un souvenir, le passé. Elle s’arrêta sur le trottoir. Elle n’avait pas ses cigarettes. Évidemment ? Rien n’était évident. Personne ne l’attendait et un jour, quand elle serait dans une maison de retraite, quels souvenirs aurait-elle à raconter ? Des soirées sous la pluie devant la vitrine d’un photographe à contempler une vie qui aurait pu être la sienne, mais qui ne l’était pas ? Elle, l’anti-Tinder, qui ne jurait que par le destin, le hasard, la vie, la vraie, celle qui ne se passe pas derrière un écran… Est-ce qu’il n’y avait pas là quelque chose à saisir ? Elle hésita, fit marche arrière. La sonnette tinta de nouveau et Alexis Girard leva les yeux d’une roue de gruyère. Charlotte se lança : 

– Tu sais quoi, je ne suis pas si pressée, allons boire ce verre. 

Il eut un sourire joyeux qui ramena Charlotte presque vingt ans en arrière.

– Je suis prêt dans deux minutes. 

Tant pis pour le pèlerinage et la tradition. Sur ce 21 juin, elle construirait un nouveau souvenir : celui du jour où elle était tombée par hasard sur Alexis Girard, le DJ devenu fromager. Ce que ça donnerait, seul l’avenir le dirait. 

***

Dans le jardin de la maison de retraite des Embruns, M. Follet allumait la cigarette de Mme Kostopoulos en riant sous cape. Celle-ci haussa un sourcil amusé. 

– Vous lui avez piqué ses clopes, en plus ? 

– C’est mauvais pour sa santé, quelle idée absurde de s’encrasser les poumons une seule fois par an ! J’ai hâte de raconter ça à Jackie Kennedy. 

– Je me demande quand même si ça va marcher, murmura Mme Kostopoulos, songeuse, en portant la cigarette à ses lèvres. 

M. Follet eut un geste évasif de la main. 

– Ils ont passé l’année de sixième à se regarder comme des merlans frits, au lieu d’écouter mes cours sur l’accord du participe passé… 

– Oui, mais c’était il y a longtemps… Enfin, son pèlerinage annuel, ça me déprimait rien que d’y penser, alors ça valait le coup d’essayer !

– L’idée de l’article était pas mal, hein ?

– Oui, et le coup de mon anniversaire, une idée de génie !

– Elle a sûrement cru que c’était Alzheimer qui commençait. 

Ils éclatèrent de rire et Mme Kostopoulos souffla la fumée de sa cigarette avec délectation. 

– Pour toutes les fois où elle a voulu nous caser ensemble, il fallait bien qu’on lui prouve que nous aussi, on sait faire le Tinder. 

FIN

Pour lire le début de mon roman « Désenchantées », rendez-vous par ici

La disparition de Sarah Leroy, quinze ans, a bouleversé la petite bourgade de Bouville-sur-Mer et ému la France entière. Dans chaque foyer, chaque bistrot, on élaborait des hypothèses, mais ce qui est vraiment arrivé, personne ne l’a jamais su.

Vingt ans plus tard, Fanny revient sur les lieux de ce drame qui a marqué sa jeunesse. Et c’est tout un passé qu’elle avait préféré oublier qui resurgit… Car l’histoire de Sarah Leroy, c’est aussi un peu la sienne, et celle d’une bande de filles qui se faisaient appeler les « Désenchantées ». Une histoire qui a l’odeur des premières cigarettes et du chlore de la piscine municipale, des serments d’amitié et surtout, des plus lourds secrets.

Avec finesse et un vrai sens du suspense, Marie Vareille met à nu les rouages de l’amitié féminine dans un roman d’apprentissage captivant et rempli d’émotion.