Dans un gentil commentaire laissé sur mon article comment améliorer son style, une lectrice de ce blog me demandait si je pouvais faire un article sur les dialogues. Parce que les dialogues s’écrivent en langage « parlé », on pourrait croire, à tort, qu’ils sont simples à rédiger. C’est justement parce qu’un dialogue doit toujours sembler parfaitement naturel que son écriture est un travail délicat.
1. N’écrivez jamais de dialogues d’exposition
N’écrivez pas des dialogues simplement dans le but de donner des informations au lecteur. Un dialogue n’est pas un outil pour informer votre lecteur sur le contexte. N’écrivez un dialogue que si à ce moment de votre récit, vous pensez que le dialogue aurait eu lieu dans la vraie vie et que de vraies personnes dans le même contexte auraient eu cette même discussion.
À éviter donc :
« Comme nous sommes amies depuis que nous avons quatorze ans, tu sais que je suis timide ».
ou
« Est-ce que tu as écouté la radio ? Il y a eu un meurtre à la patinoire hier soir. Ils disent que le tueur a fendu le crâne de la victime avec un patin à glace et qu’il a laissé comme preuve un vieux bonnet de laine et une carte de bibliothèque appartenant à un enfant de 8 ans. Comme je suis détective, je me demande ce que ça peut bien vouloir dire. Sinon tu veux un café? »
2. Attention aux incises
Je recopie ici un extrait de l’article dont je parlais ci-dessus : les expressions « dit-il » ou « dit-elle » sont tellement familières à la plupart des lecteurs, qu’ils les reconnaissent sans les lire et elles passent par conséquent complètement inaperçues. Elles ne viennent donc pas polluer le coeur de ce que vous êtes en train d’écrire, à savoir le contenu du dialogue.
Le plus simple dans un dialogue, c’est donc d’utiliser « dit-il », « dit-elle » et éventuellement le verbe « répondre », voire rien du tout, si vous glissez une petite action de temps en temps qui permet au lecteur de savoir quel personnage va parler et si l’action et les dialogues sont sensés, le lecteur comprendra très bien qui parle, sans que vous ayez besoin d’assommer tout le monde avec ce genre de passage naze et sans aucune fluidité :
Ex:
« — C’est quoi ça ? éructa-til.
— J’en sais rien, se défendit-elle
— C’est impossible, s’emporta-t-il, je l’ai trouvé dans ton sac à main! »
— C’est la première fois que je le vois, s’indigna-t-elle »
3. Contrôlez le temps de parole de vos personnages dans un dialogue
Dans la vraie vie il est rare que quelqu’un parle tout seul trois minutes d’affilé sans que son interlocuteur ne l’interrompe pour exprimer un point de vue. Si c’est le cas, c’est probablement qu’il parle tout seul et que personne ne l’écoute. Un dialogue doit être parsemé d’interruptions et d’incompréhensions, mieux vaut éviter les répliques trop longues.
Ça ne signifie pas que les personnages doivent avoir exactement le même temps de parole, bien au contraire. Tout dépend de leurs personnalités. Un personnage timide et effacé prendra naturellement beaucoup moins la parole qu’une grande gueule qui monopolisera la conversation et interrompra sans cesse les autres. Mais gardez en tête que vous révélez des éléments de la personnalité de vos personnages et des rapports qu’ils entretiennent en leur accordant ou pas du temps de parole.
4. Lisez vos dialogues à haute voix
C’est encore le meilleur moyen de voir s’ils sonnent juste… En lisant votre dialogue tout haut, vous verrez tout de suite quels termes ou tournures ne vous paraissent pas naturels. On emploie parfois à l’écrit des phrases ou des mots qu’on n’utiliserait jamais à l’oral.
5. Limitez-vous à l’essentiel
Vous n’êtes pas obligé de commencer et de terminer un dialogue là où il commence et se termine dans la réalité. Toutes les hésitations, les répétitions, les « heu », « aaah » etc., ne sont pas forcément nécessaires. Si vous écrivez une conversation téléphonique, pas la peine d’énumérer, les « Allo? / salut, c’est moi / Ah, ça va ? / Oui et toi ?/ben écoute ça va ». Ce sera long et sans intérêt pour le lecteur, parce que ça ne fait aucunement avancer l’intrigue. En général tout ce qui ne fait pas avancer l’intrigue doit être supprimé sans pitié, y compris dans les dialogues. Un dialogue inutile, même naturel ennuiera le lecteur. Un bon dialogue donne l’impression d’avoir lieu dans la réalité mais est en fait un concentré de dialogue réel épuré.
6. Cultivez les non-dits et ne répondez pas à toutes les questions
On peut dire beaucoup en ne disant rien ou en disant le contraire de ce qu’on pense. Vos personnages peuvent mentir, changer de sujet, ne pas écouter leur interlocuteur, comprendre de travers, ne pas oser répondre tout de suite, ne pas être d’accord, envoyer des textos pendant la conversation etc. Ça n’empêche pas l’information d’être comprise par le lecteur, bien au contraire.
Un dialogue n’est jamais une succession de questions réponses qui s’enchaînent platement. C’est une opportunité de donner vie à vos personnages, de les rendre réels aux yeux du lecteur afin qu’il les comprenne mieux.
7. Ne choisissez pas les mots au hasard
Réfléchissez à la façon dont parlent vos personnages. Tous vos personnages ne doivent pas parler de la même manière et leur façon de s’exprimer peut en dire long sur eux.
À la question « Est-ce que je peux passer te voir? » un personnage peut répondre : « oui », « ok », « ouais », « entendu », « j’t’attends mec » ou « avec plaisir très cher ». Dans l’absolu toutes ces réponses veulent dire exactement la même chose, mais selon la formulation, le lecteur imaginera un personnage différent d’un autre.
C’est important que chacun de vos personnages ait une façon de s’exprimer bien à lui, en fonction de son âge, de son appartenance sociale etc. Certains de vos personnages peuvent avoir des expressions favorites, des tics de langage (à condition de ne pas insérer de « heu » ou « tu vois » tous les deux mots qui existent dans la réalité mais sont lourdingues à l’écrit). Faites attention à la façon dont parlent les gens qui vous entourent, qu’est-ce qui caractérise leur façon de s’exprimer et la différencie des autres? Prenez des notes et imitez.
8. Construisez un cadre pour votre dialogue
À force de travailler chaque réplique d’un dialogue, on oublie le contexte et dans certains romans, on a parfois l’impression que les personnages discutent immobiles, sur une scène toute noire, sans décor ni action.
Il faut donner un contexte au dialogue, pour que le lecteur puisse visualiser les personnages en train de s’exprimer. Surtout si votre dialogue est long, donnez quelque chose à faire à vos personnages pendant qu’ils discutent. Évitez d’utiliser trop souvent les cadres classiques du restaurant, du café. Une fois, ok, mais si votre histoire est une succession de dialogues se déroulant dans différents cafés et restaurants, ce n’est plus vraiment une histoire, c’est le Guide du Routard.
Donner un contexte à son dialogue a aussi le mérite de donner des informations sur les personnages. Par exemple, en créant un dialogue sur le lieu de travail du personnage : qu’il soit apiculteur en train de récolter des rayons de miel, professeur en train de corriger des copies, peintre en train de mélanger ses couleurs ou cuisinier en train de faire un gâteau, ce sont autant de choses qui permettront au lecteur de visualiser votre scène et vos personnages au quotidien. C’est aussi un moyen de donner des indications sur qui est en train de parler de manière discrète.
Nathalie plongea une cuillère dans la casserole et goûta sa crème anglaise.
— Et sinon ? Tu as revu Anatole?
On sait que c’est Nathalie qui parle sans avoir besoin de le préciser. Ces petites actions sont efficaces et permettent d’éviter la lourdeur d’une incise, tout en donnant un contexte au dialogue, même s’il se passe au téléphone.
A fortiori si vous écrivez de la comédie, choisir intelligemment le cadre de votre dialogue peut donner lieu à des situations comiques. Dans « Je peux très bien me passer de toi », j’avais écrit un dialogue dans un café, une des deux héroïnes essayait de convaincre l’autre de s’installer dans un château paumé en pleine campagne pour fuir son ex, alors que c’est une citadine pur jus qui n’a jamais mis un pied en dehors de Paris.
Après avoir écrit le dialogue, je l’ai trouvé plat. J’ai alors changé le cadre et je l’ai placé pendant un cours de yoga avec une prof un peu illuminée qui interrompt sans cesse les deux protagonistes, parce qu’elles ne sont pas supposées discuter mais s’appliquer à reproduire des pauses acrobatiques qu’elles sont bien incapables de réussir. Le dialogue qui n’avait rien de drôle au départ est devenu une scène de comédie grâce au contexte qui en offrait la possibilité.
Il n’y a pas de limite à votre imagination en ce qui concerne les actions qui permettront de visualiser vos personnages pendant qu’ils discutent : préparer un repas, couper les cheveux d’un client, vider une machine à laver, changer un pneu crevé, peindre les personnages miniatures d’une maquette, faire de l’aérobic, accrocher des tableaux au mur, trier des chaussettes, se faire une manucure, récurer une vieille casserole, jouer au billard, torturer un pigeon, sortir les poubelles etc.
Essayer de penser à une action qui révélera quelque chose sur vos personnages et qui a un sens pour eux. Le même dialogue n’a pas la même signification pour le lecteur, si dans un cas, un personnage soigne un chaton qu’il a trouvé dans la rue et dans le deuxième, l’un des deux est en train de jouer à un jeu video ultra-violent…
9. Utilisez des tirets quadratins
Dernier conseil, je n’ai jamais rien compris aux règles de guillemets et comme beaucoup j’utilise des tirets. Mais je vois passer des manuscrits avec les mauvais tirets… C’est un détail, mais ça fait toujours plus pro d’avoir le bon tiret et celui du dialogue, ce n’est pas le tiret du « 6 » (-) mais le grand tiret quadratin (__). Si vous ne savez pas où il se trouve sur votre ordinateur, vous trouverez l’info par ici.
Bref, un bon dialogue est naturel, fait avancer l’intrigue, révèle la personnalité des personnages et se situe dans un contexte précis que le lecteur peut visualiser.
Et voilà ! Retrouvez-moi sur Twitter pour plus de conseils d’écriture et si vous avez d’autres conseils, n’hésitez pas à commenter !
Crédit Photo : Pexel
Bonjour,
Merci beaucoup pour cet article que j’attendais avec impatience. On n’imagine pas à quel point c’est difficile d’écrire un dialogue alors que ça parait tellement facile quand on les lit! J’adore vos exemples !! De mon côté, j’avance doucement mais sûrement. Je vais pouvoir retravailler mes dialogues sous un autre angle et en me posant les bonnes questions.
En tout cas, merci encore pour votre gentillesse, votre expérience et surtout votre disponibilité.
J’attends bien sur avec grande impatience votre 3eme livre. J’ai cru lire sur Facebook que cela se passait en Italie! C’est exact? C’est assez bizarre car mon roman aussi se passe en bonne partie en Toscane….
Vivement 2016!!!
Belle journée à vous
Alexandra
Bonjour Alexandra et merci pour votre message ! Mon troisième roman est prévu pour Mai, mais c’est un roman jeunesse pour ado. En revanche, oui, ma troisième comédie romantique se passera bien en Italie, au bord du Lac de Côme, je suis en plein dedans. Bon courage pour la suite de l’écriture et pour vos dialogues alors 😉 Et belles fêtes de fin d’année à vous et vos proches !
Bonjour !
Je viens de découvrir ton blog et je trouve que tu donnes de supers conseils ! J’écris depuis quelques années déjà mais je n’ai jamais réussi à terminer un roman… J’ai toujours pleins d’idées et du coup j’ai une dizaine de d’histoire !
Je vais suivre les conseils que tu donnes dans ton article « Ecrire un roman : comment trouver le temps ? » et ceux que tu donnes ici sont très intéressants aussi ! J’ai quelques problèmes avec les incises, voulant toujours donner plus d’indications sur la manière dont s’expriment mes personnages. Pourtant je lis beaucoup et je vois que les dialogues n’ont pas forcément besoin d’incises, mais je n’arrive pas à les réduire. Il va falloir que je travaille dessus !
Le conseil pour les tirets quadratins est super, je vais changer ça dans les écrits.
Merci beaucoup de partager tous ces conseils et bonne journée !
Merci Marie pour tes précieux conseils. Moi aussi, j’ai un sacré problème avec les guillemets des fois j’en mets, d’autres fois non. Je vais beaucoup penser à ton article pour arranger tout ça.